L'allée des charmes
Passants prenez garde, ne laissez rien traîner, de vos jours en miettes, de vos passés décomposés, peut-être même de vos rognures d’ongles, Odile pourrait bien faire des lendemains qui chantent, un oiseau sur la branche et Gigi l’Amoroso, yeux de velours et gueule d’amour.
C’est que la dame a l’imagination féconde et cultive son monde sur les tas de fumier. Car d’où viennent-ils ces êtres qui semblent tombés de la lune sinon de nos petits déchets ? Et que regardent-ils, leurs yeux perdus au-delà de l’horizon ? Sans doute le temps de nos fragiles inconstances, ces déchirures, ces lambeaux même pas mis à l’encan, jetés là sans considération, ou peut-être celui de nos rêves et de nos peurs d’enfant.
Elle désosse et décarcasse, la dame, elle malaxe, tripote, papote, manie l’aiguille et la flamme. Elle coud des jupons d’écume avec des pierres dedans, des joyaux ramassés sur l’estran… Nos cœurs sont vides et nos poubelles pleines, et elle, armée jusqu’aux dents de ses gouges et de ses pinceaux, elle vient pirater tous ces circuits mal imprimés, ce gâchis de mal aimants surinformés –malaise de nos civilisations- et nous redessine un monde où l’on peut user ses souliers à danser jusqu’à l’aube dans un p’tit bal perdu et retrouvé. Ah comme ce serait bien, ce serait bien !
Muriel Daumal Nicaise. Janvier 2016.
Allée des charmes
Textile et céramique